Livre - Book / 2024
Rien de personnel
Martin Bethenod / Empire et Fondation Antoine de Galbert
« Depuis 2013, je publie sur Instagram, à un rythme irrégulier mais constant, des photos de chiens et de représentations de chiens. Ces images, sans intention ni statut, sont prises et postées sur l’instant, sans filtre, sans retouche, avec pour seules interventions la mise au format carré et un éventuel recadrage. Aucune ne fait l’objet d’une demande de pose ou d’autorisation, elles sont presque toujours prises sans que quiconque s’en aperçoive. Elles ne résultent d’aucune recherche, d’aucune quête, d’aucune attente, d’aucun réemploi, elles ne reposent sur aucune collaboration, aucun guet, aucun subterfuge. Les chiens passent, adviennent, ils sont là, je les photographie, sans me montrer, sans m’approcher, sans me pencher, souvent sans viser. Les chiens ne sont pas identifiés, pour la plupart ils me sont inconnus. Quelques-uns reviennent au hasard des années. Les humains n’apparaissent que comme des silhouettes ou des fragments: une jambe, un dos, une main qui tient une laisse. Les arrières plans sont parfois reconnaissables ou situables, parfois non. La capacité de ces petits personnages à susciter l’empathie autant qu’à l’exprimer me touche infiniment. L’enchainement de nos rencontres fugitives, inattendues, oubliées parfois, est le journal intime d’une décennie. Où ne se dévoile jamais rien de personnel. »
‘Since 2013, I've been publishing photos of dogs and representations of dogs on Instagram at an irregular but constant rate. These images, without intention or status, are taken and posted in the moment, without filter, without retouching, with the only interventions being the squaring and possible cropping. None of them have been posed or authorised, and they are almost always taken without anyone noticing. They are not the result of any research, no search, no waiting, no re-use, no collaboration, no watching, no subterfuge. I photograph them, without showing myself, without approaching, without leaning, often without aiming. The dogs are unidentified, most of them unknown to me. A few come back to me over the years. Humans only appear as silhouettes or fragments: a leg, a back, a hand holding a lead. The backgrounds are sometimes recognisable or locatable, sometimes not. The ability of these little characters to arouse empathy as much as to express it touches me deeply. The sequence of our fleeting, unexpected and sometimes forgotten encounters is the diary of a decade. Nothing personal is ever revealed.‘