04.01.22 — 31.03.22 - Rennes - France

4X3 - Yvan Salomone

Yvan Salomone est un peintre français, né en 1957 à Saint-Malo, où il vit et travaille.
Depuis 1991, représentant le même type de paysages pris à Dunkerque, Le Havre, Rotterdam, Dakar, New-York, Shanghai…, il réalise l’une après l’autre des aquarelles de format identique 133×97cm selon un protocole intangible. La singularité de son travail tient dans cette rencontre entre la technique de l’aquarelle, que l’on pourrait à première vue qualifier de surranée, et une démarche rigoureusement contemporaine.

 

«Edmond About, dans l’article cité plus haut sur l’exposition d’aquarelles anglaises à Paris en 1855, pour se réconcilier avec son public français, risquait une métaphore qui se voulait légère («française») au sujet d’un artiste britannique : « Les artistes qui se donnent tant de peine pour faire avec de l’eau ce qu’ils feraient aisément avec de l’huile, ressemblent à ces amants romanesques qui entrent par la cheminée quand la porte est ouverte à deux battants ». Mais la grivoiserie tombe à plat quand apparaît la justesse, en partie involontaire, de l’image: si l’on veut bien considérer que « l’amant romanesque » est un amant qui ne se conduit pas en prédateur, mais en rêveur, qui désire non un objet mais un sujet avec qui il engage une joute de fantasmes, Yvan Salomone est bien un amant romanesque de la réalité : un réaliste qui ne feint pas de croire que le monde existe ingénument en dehors de sa perception, qui le colore de tons innocents qui sont pourtant les couleurs de l’effroi, qui l’aime et en désespère néanmoins. Il peint avec la mémoire des mots de Shakespeare, des rêves de Böcklin et De Chirico, de la théologie agnostique de Benjamin, mais aussi avec la mémoire de l’eau et des pigments, celle de la pierre, du fleuve et de la mer. Les traînées que l’aquarelle fait en séchant nous font apparaître ses images non comme des captures instantanées, mais comme un flux infiniment ralenti. Dans Le Désert rouge, d’Antonioni, un film dont on sait que les décors naturels ont souvent été repeints (jusqu’aux feuilles des arbres …) et dont l’univers est très proche de celui des tableaux de Salomone, Giuliana (Monica Vitti) se plaint d’avoir « les yeux mouillés »10 et de ne pouvoir plus même regarder la mer, qui ne se tient jamais tranquille, « jamais, jamais » — elle est, à l’évidence, le double du réalisateur, qui revendique la couleur comme le principal, sinon le seul, élément autobiographique du film11 ; une moderne sibylle de Delphes qui verrait la société industrielle au prisme d’une apocalypse dont on ne sait jamais si elle est imminente ou si elle vient d’advenir. Tout se passe comme si Yvan Salomone puisait aux larmes de ses propres yeux le matériau de sa peinture, et la force d’étirer ou de suspendre le temps dans cette dernière, en une immobilité admirable et précaire, terrible et séduisante (sublime, pour employer le vocabulaire de l’Esthétique), celle-là même des lacs de retenue — nul doute, d’ailleurs, qu’il existe des lacs de sanglots — dont on redoute à chaque instant que le barrage ne puisse plus contenir la force latente …»

Extrait du texte Peindre au dessous du barrage de Didier Semin

Pour découvrir le travail de l’artiste
www.instagram.com/yvansalomone
www.xippas.com