07-15.01.15 - France - France

Nous sommes Charlie

Créer, se moquer, provoquer, rire...

«Devant un tel crime, préparé et exécuté de sang-froid, c’est d’abord aux victimes que pense chacun d’entre nous. Policiers assumant le risque quotidien auquel les expose leur devoir, journalistes réunis pour accomplir leur mission d’information, sans laquelle la démocratie serait étouffée. Ces journalistes-là sont morts pour nous, pour nos libertés qu’ils ont toujours défendues. Sachons nous en souvenir. L’émotion nous saisit aussi à la pensée de leurs familles, de leurs proches, que le crime frappe au cœur par ricochet et qui vivront désormais comme des invalides, amputés de l’être humain qui était une part d’eux-mêmes.

«Au-delà du chagrin et de la pitié s’inscrit le devoir de justice. Nous sommes assurés que les pouvoirs publics mettront tout en œuvre pour identifier et arrêter les auteurs de ces crimes. A la justice de décider de leur sort, en toute indépendance et dans le respect de l’Etat de Droit. Ce n’est pas par des lois et des juridictions d’exception qu’on défend la liberté contre ses ennemis. Ce serait là un piège que l’histoire a déjà tendu aux démocraties. Celles qui y ont cédé n’ont rien gagné en efficacité répressive, mais beaucoup perdu en termes de liberté et parfois d’honneur.

«Enfin, pensons aussi en cette heure d’épreuve au piège politique que nous tendent les terroristes. Ceux qui crient "allahou akbar" au moment de tuer d’autres hommes, ceux-là trahissent par fanatisme l’idéal religieux dont ils se réclament. Ils espèrent aussi que la colère et l’indignation qui emportent la nation trouvera chez certains son expression dans un rejet et une hostilité à l’égard de tous les musulmans de France. Ainsi se creuserait le fossé qu’ils rêvent d’ouvrir entre les musulmans et les autres citoyens. Allumer la haine entre les Français, susciter par le crime la violence intercommunautaire, voilà leur dessein, au-delà de la pulsion de mort qui entraîne ces fanatiques qui tuent en invoquant Dieu. Refusons ce qui serait leur victoire. Et gardons-nous des amalgames injustes et des passions fratricides.»

Robert Badinter

 

 

"Facing such a crime, that was prepared and executed in cold blood, our first thought is for the victims. Police officers who assume the daily risk to which their duty exposes them, journalists who gathered to accomplish their mission of information, without which democracy would be stifled. These journalists died for us, for the freedom they have always fought for. We must remember that. We are also moved thinking about their families and loved ones, whose hearts have been struck by the crime and who will henceforth live as invalids, deprived of the human being who was a part of them.

Beyond grief and pity is the duty of justice. We are confident that the authorities will do everything in their power to identify and arrest the perpetrators of these crimes. It is up to the judiciary to decide their fate, independently and in accordance with the rule of law. We can’t defend freedom against its enemies with special laws and jurisdiction. That would be a trap that history has already set for democracies. Those who have given in have gained nothing in terms of repressive efficiency, but have lost a lot in terms of freedom and sometimes honour.

Finally, in this time of trial, let’s think about the political trap that the terrorists are setting for us. Those who shout "allahou akbar" when they are killing other men are betraying the religious ideal of which they claim to be a fanatic. They also hope that the anger and indignation that is sweeping the nation will find expression in some people's rejection and hostility towards all Muslims in France. This would widen the gap they dream of opening between Muslims and other citizens. To ignite hatred between French people, to arouse intercommunal violence through crime, that is their aim, beyond the death drive that drives these fanatics who kill by invoking God. Let’s refuse what would be their victory. And let’s guard against unjust amalgams and fratricidal passions."

 

Robert Badinter